Quand quelqu’un pique une crise…

Également publié en anglais, espagnol e português.

Imagine-toi que quelqu’un s’enferme exprès dans une petite pièce. Il te fait ensuite savoir qu’il ne peut pas te parler de quelque chose… parce qu’il est enfermé dans une petite pièce. Et il le justifie en disant : « On ne peut pas, parce qu’on te dit qu’on ne peut pas, parce qu’on t’a déjà dit qu’on ne peut pas ».

Un tel acte s’appelle « piquer une crise ». Il ne vise pas à te renseigner sur quoi que ce soit, sauf, accessoirement, sur la suffisance du locuteur et son enfermement dans une logique circulaire. Il ne vise qu’à interrompre tes activités, jouer avec tes nerfs et tenter d’exercer un pouvoir sur toi. Cela vise la fin de tout dialogue et l’imposition d’un absolu. Le type d’absolutisme que nous associons aux colères des enfants.

Heureusement, les adultes le savent, l’enfant colérique n’a sur toi que le pouvoir que tu lui accordes.

Je ne dis pas tout cela comme une insulte à la CDF, dont les éminents membres savent certainement à quels jeux de communication ils jouent avec le Synode allemand. Je le dis pour offrir une protection à ceux qui sont blessés et scandalisés par ce Responsum. Car lorsque tu perçois que quelqu’un pique une crise, tu risques moins d’être blessé par ce qu’il dit pendant la crise. Tu risques moins de penser que cela te concerne. Tu pourras percevoir quel fantasme auto-entretenu est à l’œuvre.

Ceci étant dit, il semble bien que dans ce Responsum la CDF pique une crise, comme uncaprice d’éducation refusée. Elle se pose elle-même une question et donne une réponse auto-référentielle : une réponse conçue comme un acte de pouvoir, et non de dialogue.

Elle se justifie alors par une logique circulaire. En supposant l’hétérosexualité intrinsèque de tous les êtres humains, la CDF déduit une tendance objectivement désordonnée et des actes intrinsèquement mauvais chez les deux partenaires de toute relation homosexuelle. Ainsi elle arrive à l’unique réponse qui s’offre à elle. Et elle se cite abondamment pour le démontrer.

Voilà toute la tristesse de la situation : nos frères (eh, oui !) sont enfermés dans un discours « d’objectivité » qui n’a que peu de relation avec la réalité de la Création telle qu’elle se révèle à nous et à laquelle nous participons. Et ils y resteront enfermés à courir dans cette cage d’écureuil jusqu’à ce qu’un pape ou un concile les libère et les autorise à passer à autre chose.

Une question clef pour ne plus piquer de crise est la suivante : Comment fait la Sagesse Divine pour nous révéler – dans les faits et en pratique – l’intelligibilité de toutes choses créées et nous convertir ainsi, par notre participation intelligente et active à la Sagesse créatrice, en filles et fils de Dieu, héritiers de la Création ?

Ce que nous avons appris depuis une centaine d’années sur les phénomènes désignés par LGBT+ sert comme un bon test de notre manière de répondre à cette question. Là où une morale effrayée ferme les portes, la Sagesse, en commençant par ceux que nous avons rejetés, déploie la réalité de l’être, ce qui nous permet d’expérimenter le pardon de notre vertu étriquée et de notre dureté de cœur, et de faire le tri de nos peurs et de nos illusions. Nous parvenons ainsi à découvrir notre prochain comme nous-mêmes, et à quel point nous sommes aimés.

Seule une anthropologie théologique de la découverte qui nous accompagne dans nos découvertes peut nous aider ici. Non pas une anthropologie qui exige une série de déductions à partir de principes supposés fondamentaux, pour ensuite éjecter les éléments de la réalité qui ne lui conviennent pas.

Passons maintenant au sujet des bénédictions, celles données aux couples de même sexe, reçues et partagées par eux : Notre-Seigneur nous enseigne que nous reconnaissons l’arbre à ses fruits. Il nous convoque à un apprentissage. Celui-ci nous amène à découvrir des choses à bénir, des formes de béatitude anciennes et nouvelles. La puissance et la gloire du Créateur tendent à se manifester dans notre devenir, alors que nous discernons pour quoi nous sommes et qui nous sommes. Cet apprentissage est tout spécialement béni lorsque nous nous découvrons pardonnés d’avoir mal catégorisé des groupes de personnes et lorsque nous découvrons que la vie est plus riche et meilleure pour tous quand ces personnes sont encouragées à vivre ce qu’elles sont.

La CDF confrontée à tel arbre et à ses fruits, nous assure que puisque l’arbre n’est pas de l’espèce attendue, ses fruits sont forcément mauvais. Cela ne constitue pas un apprentissage. C’est s’en tenir à une étroitesse du sacré qui permet à ses thuriféraires de se dispenser de tout apprentissage.

Je suis ravi de savoir que beaucoup de catholiques apprennent à ne plus piquer de crise, mais à adhérer davantage à Notre Seigneur. Le Responsum ne doit pas nous dissuader de bénir Dieu au moment où nous découvrons à quel point il nous bénit.

James Alison
Madrid le 20 mars 2021.

(Version française de « How to recognize a tantrum » à paraître dans la revue catholique anglaise «The Tablet» le 25 mars, et qui paraît en traduction avant l’originel avec permission de l’éditeur. Traduction réalisée par des amis de l’auteur MC et BM)